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HONDO AIR BASE, TEXAS
ECOLE DE DEBUT
LE NORTH-AMERICAN T 6 G, TEXAN
THE YELLOW MONSTER
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Je vais vous parler un peu de la machine puis de ce que nous faisions avec:
1°- LA MACHINE, le Coucou, la Trapanelle, l'Engin, le Cercueil volant, le Zinc, le Traîne-con, j'en passe et des meilleurs et, surtout :
Le MONSTRE JAUNE ! C'est ainsi que les élèves nommaient, affectueusement, le T 6.
Pourquoi monstre ? Parce que cet avion paraissait énorme après le PA 18.
Pourquoi jaune ? Tout simplement parce qu'il était peint en jaune vif pour le rendre plus visible en vol afin d'éviter les collisions.
A partir de 1937 il en fut construit près de 20000. Un rien !
Envergure : 12,4 mètres
Longueur : 8,84 mètres
Hauteur 3,57 mètres
Poids en charge : 2380 kg
Train rentrant et volets.
Moteur : PRATT ET WHITNEY R 1340-49, 9 cylindres en étoile, de 600 CV. Hélice à vitesse constante.
Vitesse max en piqué : 340 km/h
Vitesse de croisière : 225 km/h
C'était une très grosse bête, très impressionnante à côté du PA 18.
Il y avait un nombre impressionnant d'actions vitales à connaître par coeur et une quantité d'instruments, sur le tableau de bord, qui donnait l'impression qu'on ne s'y retrouverait jamais dans tout ce bazar.
C'est le meilleur avion école que j'ai piloté ( Comme élève puis comme avion d'attaque au sol en Algérie et, enfin, comme instructeur ) et sur lequel des dizaines de milliers de pilotes ont été formés, dans le monde entier, pendant 40 ou 50 ans. Je ne sais même pas s'il n'est pas encore utilisé dans des pays en voie de développement.
Il présentait toutes les réactions de l'avion à hélice prévues par les bouquins de Mécanique du vol. Je ne sais pas trop s'il fut construit pour les avoir ou si les bouquins furent écrits d'après le T 6 ?
Un pilote qui avait appris à piloter dessus pouvait passer, sans difficulté, sur un chasseur à moteur à piston de la guerre 1939-45 et, encore plus facilement, sur un chasseur à réaction car les réacteurs sont beaucoup plus faciles à piloter que les avions à hélice. Qui peut le plus, peut le moins, isn'it ?
C'était L'AVION D'ECOLE DE DEBUT PAR EXCELLENCE !
Je n'ai jamais compris qu'on arrête de l'utiliser pour le remplacer par des machines 3 fois plus coûteuses et nettement moins bonnes. Enfin, c'est comme pour le cinéma. Après le MARIUS, CESAR et FANNY, avec RAIMU, etc, on nous en sort un nouveau, 50 ans après, avec des acteurs minables. A défaut d'avoir du talent on peut toujours essayer le plagiat mal réussi.
2°- L'APPRENTISSAGE DU PILOTAGE SUR LE T 6.
Premier vol le 27 Avril 1953, Solo le 21 Mai après 11 heures 20 de D.C, dernier vol le 09 septembre 1953 après 119 heures 08 sur T 6 G.
A HONDO, on ne traînait pas. 144 heures 35 de vol et 25 heures de simulateur en 5 mois et demi plus tous les cours au sol et l'instruction militaire.
Dès les premiers vols, décrochages ( Perte de vitesse pour les profanes ) dans toutes les configurations imaginables, vrilles ( Tomber en Feuille morte pour les rampants ) et tout ce qu'on peut faire avec un avion hormis la voltige qui viendra un peu plus tard.
Dans les écouteurs j'entends à longueur de vol " LOOK AROUND ", c'est-à-dire, " REGARDEZ DEHORS "car l'éléve moyen à tendance à voler le nez sur le tableau de bord et, vu le nombre d'avion en vol, ce n'est pas recommandé.
L'autre leit-motiv c'est " RELAX ", c'est-à-dire, " DETENDEZ VOUS ". Chez Mister KOTOWSKI ça se transforme en " RELAX, you, goddamn son of a bitch " c'est-à-dire, " DETENDEZ VOUS, Nom de Dieu de fils de pute ! ". Le plus drôle c'est que ça me détend un max car le début et la fin de la phrase forme un paradoxe du plus réjouissant effet. Le tout, c'est d'avoir le sens de l'humour !
Durant les 40 premières heures mon cher instructeur me mène la vie dure. Dès que je fais une erreur il balance le manche, aussi violemment qu'il le peut, de droite à gauche et m'en met de vieux coups dans l'intérieur des cuisses et des genoux.
Si l'erreur est importante, il enlève son manche et me donne des coups derrière la tête avec son extrémité. Comme nous n'avons qu'une casquette de base-ball ça fait " Très beaucoup bobo ".
Vers 40 heures, je suis assez aguerri pour décider que ça suffit. J'en fait une bien grosse au cours des virages de sécurité avant décrochage, j'attends le premier coup de manche derrière la tête, je mets l'avion en vrille aussi brutalement que je le peux et je commence à compter les tours de vrille. Normalement on arrête à deux, là j'en fais 8 avant d'en sortir. Je buvais du petit lait en me représentant le père KOTOWSKI, son manche inutile à la main, en train de se demander si je serais ou non capable de sortir de cette vrille prolongée.
Une fois en palier, je le regarde bien dans les yeux, dans le rétro. A ma grande surprise je le vois amorcer un demi sourire puis j'entends, prononcer lentement et distinctement " Après tout, vous serez peut-être capable de vous battre au lieu de vous sauver comme vos parents en 1940. ". C'est ce que j'entendis de sa part qui s'approcha le plus d'un compliment. Il continua à m'insulter copieusement quand je le méritais mais ne me frappa plus jamais. Bref, c'était une sorte de paix armée entre adversaires qui s'estimaient.
Bien sûr, nous apprenions à faire de la voltige, j'adorais ça mais je n'étais pas particulièrement doué pour les tonneaux lents. J'ai travaillé la question un max en solo et je m'en suis tiré très honorablement. Par contre j'étais très doué pour le vol aux instruments alors que je détestais ça. Quand aux atterrissages sur cet engin, je poussais un OUF de soulagement quand tout s'était bien terminé. Comme le dit un vieux proverbe " La machine n'est pas cassée, l'atterrissage est réussi ".
A propos des vols solo nous avions un programme bien défini d'exercices à réaliser. En pratique, comme on ne pouvait pas nous surveiller nous nous en donnions à coeur joie. Il ne fallait pas se faire prendre !
L'amusement le plus populaire consistait à donner rendez-vous à un copain et à se faire des passes frontales à celui qui dégagerait le dernier. C'est très impressionnant d'arriver ainsi face à face. La méthode recommandée par les tout fous, pour dégager le dernier, consistait à se mettre face à l'adversaire, à baisser le siège et à piloter aux instruments.
Je l'ai fait une fois, affreusement dépité d'avoir dégagé 4 fois d'affilée le premier. A la cinquième passe j'ai utilisé la méthode en me réjouissant in petto " Mon petit pote, ce coup là c'est toi qui va gerber le premier ! ".
En fait, j'ai entendu un bruit de moteur effroyable et deviné, du coin de l'oeil, une ombre qui passait tout près, tout près. Après l'atterrissage le copain m'a expliqué qu'il gagnait à tous les coups parce qu'il appliquait cette méthode. On m'avait raconté cette histoire mais j'avais cru que c'était une blague me disant que les gens n'étaient pas assez cons pour faire un truc pareil. Et bien SI et moi le premier.
J'étais mort de honte d'avoir fait un truc aussi idiot et aussi peu professionnel. Je me serais donné des coups de pieds au cul si j'avais été assez souple.
Les tests en vol étaient fréquents et ceux qui ne les réussissaient pas disparaissaient du circuit.
J'ai eu un très bon copain qui s'est fait virer sur T 33, à 3 heures de vol du brevet, pour avoir loupé son test de vol en formation.
Comme je l'ai dit dans une page précédente je suis sorti major de ma promo à HONDO. Encore merci Mister KOTOWSKI.
Mon e-mail : pluhaut@aol.com