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UNITED STATES AIR FORCE
LACKLAND AIR FORCE BASE
AIR TRAINING COMMAND
INSTRUCTION MILITAIRE
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Cet avion est un T 6 G HARVARD. Nous y reviendrons.
REMARQUES A PROPOS DE L'ETAT DES PHOTOS :
Les jeunes me disent qu'elles ne sont pas très réussies et que des photos en couleurs seraient plus belles.
D'accord avec vous mais, il y a 52 ans, les pellicules étaient moins performantes qu'à présent, les appareils photos n'étaient pas automatisés et la photo couleur était en gestation donc au-dessus de mes moyens.
Prendre une bonne photo, au sol, demandait 10 minutes de préparatifs et de réglages. En vol, en pilotant d'une main pour prendre une photo à la volée, le résultat était, généralement, nettement moins bon.
Avec mon logiciel de retouches d'images, j'ai réussi à rendre présentables, sans plus, les plus mauvaises mais je ne suis pas un maître en la matière.
Donc, considérez qu'il s'agit de documents d'une autre époque et rajeunissez-les dans votre tête. D'accord, les Barons ?
REVENONS A NOS MOUTONS :
Nous débarquons à NEW-YORK et, après les OH ! et les AH ! de rigueur devant la taille des gratte-ciels, nous embarquons dans un train à destination de SAN ANTONIO, TEXAS. Trois jours de voyage.
Très confortable, le train. Un compartiment par personne avec une grande banquette rembourrée qui se relève pour laisser la place à un vrai lit. Un petit coin WC-Douche et l'air conditionné. Par rapport aux banquettes en bois plein de la SNCF, " C'EST L'AMERIQUE ! ".
A l'arrivée un car militaire nous mène à LACKLAND AIR FORCE BASE.
Une vraie ville. On nous explique qu'il y a 80 000 hommes et 30 000 femmes ( Plus que dans toute l'Armée de l'Air Française). Il y a des garages-concessionnaires, des salles de cinéma, des services de car, des laveries, des super-marchés ( PX de l'US AIR FORCE ), des dancings, des concerts, des restaurants, etc, etc. On peut y vivre plusieurs mois en se procurant tout ce qu'on désire sans en sortir. Nous sommes ébahis.
Nous sommes bons pour trois mois d'instruction militaire avant de partir ailleurs commencer l'instruction en vol.
Nous sommes la veille de Noël, on nous fourre dans une grande chambrée pour 60 avec lits superposés et, jusqu'au 2 Janvier 1953, personne ne s'occupe de nous.
Au bout de 2 ou 3 jours, la chambrée est franchement dégueulasse, les mégots, les sous-vêtements sales, les vieux papiers traînent partout et ça sent le chacal. Les Mamans reconnaîtront les habitudes de leurs grands fils.
Le 2 Janvier réveil en fanfare, à 5 heures du matin, par un officier qui semble de très mauvaise humeur à en juger par son ton car je ne comprends pas un mot de ce qu'il raconte. Il doit avoir une gueule de bois carabinée. Il s'en va et les Américains sont saisis d'une frénésie de nettoyage qui laissent les Français, Belges, Danois et Italiens de la promotion aussi pantois que goguenards.
A 6 heures l'officier revient. Il semble vraiment outré.
Tout le monde dehors, au garde-à-vous. Et ça dure 8 heures, de 6 heures du matin à 14 heures. 50 minutes de garde-à-vous, 10 minutes de repos de parade ( Encore plus crevant que l'autre position ) avec une douzaine de gus qui nous surveillent et ne tolèrent pas le moindre relâchement dans la position. Histoire de nous faire comprendre que c'est sérieux, une ambulance est sur place au cas où l'un de nous s'écroulerait.
14 heures, on nous ramène à la chambrée ( A jeun ) et tout le monde, étrangers compris se met au nettoyage sans rechigner et avec une ardeur rare.
Ce qui prouve qu'une bonne démonstration vaut mieux qu'un long discours et comme le disait Al CAPONE, qui était un fin psychologue sous ses airs bourrus, " On obtient beaucoup plus avec un grand sourire et un revolver qu'avec un grand sourire sans revolver ".
Ceci fait, rassemblement à l'extérieur et premier appel.
" BRUCE ! - Here. CALLAHAN ! - Here. TCHIVAÏLLETTE ! - Silence de mort. TCHIVAÏLLETTE !!- ???? Un copain me fait du coude << C'est toi >>. TCHIVAÏLLETTE !!!- Hireu ". J'ai droit à une longue tirade dont je ne comprends rien, je prends un air contrit et j'attends que l'orage se passe.
Et c'est ainsi que, durant tout mon séjour aux Etats-Unis, je fus Mister TCHIVAÏLLETTE pour mes supérieurs et " Mister forward " puis " Dumbo " et enfin " Bob " pour les copains.
Vous avez tous vu le film " FULL METAL JACKET " ?
La discipline ressemblait beaucoup à ça sauf, qu'étant élèves-officiers, nous ne nous faisions pas insulter.
C'était encore un sujet de rigolade car, tous les pilotes Américains étant officiers les accords de l'OTAN ( Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ) disaient que nous le serions aussi et, pour le prouver aux Ricains l'Armée de l'Air nous faisait signer un papier comme quoi nous acceptions de le devenir. Bien sûr, nous étions nommés Sergent et les Ricains Sous-Lieutenant.
Le confort était extraordinaire : Air conditionné, douches chaudes en permanence. C'était un autre monde, après AULNAT.
La nourriture était excellente. Self service avec un choix de 4 hors-d'oeuvres, 4 viandes, 4 légumes et 4 desserts. A boire à volonté mais, uniquement jus de fruits et lait. Je me souviens encore de la tête d'un copain, vieux sous-off qui revenait d'Indochine et que nous surnommions " Papa ", le premier jour quand on lui a servi un bol de lait !
Nous pouvions prendre la bouffe en quantité illimitée :
4 hors-d'oeuvres, 3 viandes, 3 légumes, 8 tranches napolitaines, 6 oranges et 4 tranches de fromage. Ce fut mon premier repas là-bas. J'avais des kilos à reprendre. Les Ricains nous regardaient manger avec des airs étonnés. Ils devaient se dire que les restrictions, pendant la guerre 1939-45, avaient dû être atroces pour que nous soyons encore affamés à ce point 7 ans après.
La seule obligation était de finir tout ce que nous avions mis dans le plat et, si ça ne suffisait pas, nous pouvions nous resservir. Comme personne ne nous obligeait à mettre de la confiture de groseilles sur nos steacks nous mangions comme en France sauf le fromage et le pain qui ressemblaient très peu aux notres.
Nous avions, évidemment des tests théoriques sous forme de QCM ( Questions à Choix Multiples ). Comme je ne comprenais pas grand chose en cours, mon excellente vue me servait beaucoup, durant les tests, et je suis arrivé à avoir des notes correctes même meilleures que celles de certains Ricains sur lesquels je copiais. Faut le faire..... Je n'avais pas le choix car si les notes n'étaient pas bonnes, le lendemain ou le surlendemain on avait disparu du circuit. " WASH OUT " c'est-à-dire " VIRE ", sans appel.
J'ai profité de ces 3 mois pour apprendre l'Anglais le plus vite possible, principalement en travaillant la nuit, dans les toilettes, seul endroit qui restait allumé après le couvre-feu. Un dictionnaire Franco-Anglais sur les genoux, une grammaire anglaise dans la main gauche et un bouquin des cours du jour dans la main droite, ce qui me laissait peu de temps pour dormir. Et encore, j'avais dû solliciter l'autorisation de le faire car le réglement l'interdisait. En fait, mon manque de bases, en Anglais, me rendit les choses difficiles durant tout mon entraînement.
Mais les pires choses ont une fin et, début Avril 1953, en route pour HONDO AIR BASE, TEXAS pour faire le Basic training ( Ecole de base ). Enfin, nous allons voler !
Mon e-mail : pluhaut@aol.com