Page 31

DEL RIO, TEXAS

AIR TRAINING COMMAND

GUNNERY

ECOLE DE TIR SUR T-33 A

LE TIR AUX ARMES DE BORD

 

Nous voici à DEL RIO, à la frontière du TEXAS et du MEXIQUE. Il suffit de traverser le RIO GRANDE pour se trouver au MEXIQUE.

A présent que nous sommes sensés savoir piloter l'engin, nous allons commencer à apprendre à l'utiliser comme un outil destiné " A semer la terreur et la désolation dans le ciel de l'ennemi ", comme nous le disions par dérision.

Premier vol le 19 mars 1954, dernier vol le 30 Avril 1954 après avoir effectué 40 heures de vol en 42 jours. On enlève les " Week-end" et on constate qu'il n'y a pas de temps mort dans l'entraînement.

Il commençait par un vol de reconnaissance du secteur de travail, en DC, puis un vol solo afin de bien connaître le secteur et, particulièrement, les différents stands de tir au sol que nous utiliserions.

Ensuite, un vol en formation et un vol aux instruments et nous passions au tir.

A DEL RIO, nous ne faisions que du tir " AIR TO GROUND " ( Tir sur cible au sol ).

Le premier tir se faisait à la ciné-mitrailleuse ( C'est une caméra qui filme la cible à travers le viseur pour permettre d'évaluer les résultats du tir. On peut l'utiliser seule ).

L'entraînement au tir comprenait :

- " Low Angle Bombing ", ( Bombardement en piqué à 30 degrès ou moins ),

- " Low Angle Straffing ", ( Mitraillage en piqué à 30 degrès ou moins ).

- " Skip Bombing ", ( Bombardement en vol rasant ).

Nous utilisions deux mitrailleuses calibre .50, soit 12,7 mm. ( Les calibres US sont donnés en centièmes de pouce, le pouce vaut 25,4 millimètres ).

Nous emportions une bande de 100 cartouches, par mitrailleuse, ce qui représentait 5 secondes de feu continu. Le but étant d'habituer les Pilotes à tirer par courtes rafales bien ajustées, au lieu d'ouvrir le feu 50 mètres avant la cible et de faire courir la rafale à travers la cible, comme on le voit au cinéma.

Cette méthode de tir, très spectaculaire sur l'écran, est peu efficace en pratique car la cible a toutes les chances de ne recevoir que très peu de projectiles voire de passer entre les gouttes. De plus, une rafale trop longue fait chauffer excessivement les canons des armes et risque de les endommager, d'où enrayage.

Avec si peu de cartouches nous étions obligés de tirer des rafales très courtes ( 1/2 seconde ) afin de pouvoir effectuer plusieurs passes.

Pour le bombardement, un barillet, monté sous l'avion était chargé de 6 ( Je ne suis pas sûr du nombre ) petites bombes inertes ( dans les 30 cm de longueur ) calculées pour avoir la même trajectoire qu'une bombe de 500 livres. ( La livre valant 454 grammes, il s'agit de bombes de 227 kg ). Les bombes étant lâchées une par une nous pouvions faire autant de passes qu'il y avait de bombes dans l'engin.

Au total j'ai tiré 911 cartouches de 12,7 mm et 15 bombes à DEL RIO et je mentirais si je prétendais m'être distingué par mes qualités de tireur, ce qui m'a désagréablement surpris car j'ai toujours été passablement doué pour le tir aux armes individuelles. C'est venu plus tard, avec l'entraînement.

Vous êtes certainement étonnés du peu de munitions tirées.

C'est tout simple. Dans les débuts on loupe beaucoup de passes de tir, soit parce qu'on n'a pas réussi à s'aligner correctement sur la cible ou qu'on se présente sous un angle de piqué incorrect, ou les deux, et il ne sert à rien de tirer, soit parce qu'au moment de le faire on n'a pas réussi à placer ou à maintenir le " GUNSIGHT " ( Collimateur, c'est ainsi que l'on nomme le viseur sur un avion ) sur la cible.

Croyez- moi, ça n'a rien de facile, au début, car les armes étant fixes, il faut viser avec l'avion et les petites erreurs de pilotage s'ajoutent à la dérive causée par le vent et aux turbulences pour promener la croix du collimateur un peu partout mais, surtout pas ou vous aimeriez qu'elle soit.

De plus, vue la vitesse des avions, la passe dure très peu de temps, de l'ordre de 10 à 12 secondes, c'est tout ce dont on dispose pour viser puis tirer. On ne peut pas tirer de trop près, sinon on se plantera, et il ne faut pas descendre trop bas sous peine de se ramasser ses propres ricochets lors du dégagement.

C'est bien, parce qu'on reste peu de temps à portée de la FLAK (Flugabwehrkanone, sigle Allemand qui désigne l'artillerie anti-aérienne ) mais bien génant si l'on n'est pas un bon tireur car il faudra remettre ça, et là, l'effet de surprise ne jouera plus. On sera attendu et se faire toucher à basse altitude quand il est recommandé d'avoir 10000 pieds d'eau sous la quille pour s'éjecter, hé ben, c'est pas la gloire......

Il faut pas mal d'entraînement pour devenir capable de maintenir le collimateur immobile sur la cible pendant les 3 ou 4 secondes nécessaires.

De plus, les armes sont " Harmonisées " ( C'est ainsi qu'on nomme le réglage des armes et du collimateur ) pour que la trajectoire des projectiles coupe l'axe de visée à une distance déterminée.

Dans ce réglage, il faut également tenir compte de la vitesse de l'avion au moment du tir et de l'angle de piqué choisi ce qui signifie que, même si vous avez la croix du collimateur bien stable sur la cible et que vous êtes à la bonne distance au moment du tir, si vous n'avez pas la bonne vitesse, et ( ou ) le bon angle de piqué vous la raterez. Bref, et si, et si, et si, etc, on touche la cible mais, il y a beaucoup de conditions à réunir.

Vous comprenez certainement, à présent, pourquoi on multiplie les armes et on augmente leur calibre sur les avions. C'est la raison pour laquelle, en temps de guerre, le tonnage de munition tirées est très, très supérieur aux dégats causés. Pendant la guerre du Viet-Nam un écrivain très connu, Jean LARTEGUY, avait écrit un bouquin titré " Un million de dollars le Viet ", ce qui correspondait aux estimation de l'armée Américaine.

A ce prix là, ils auraient mieux fait d'envoyer des tombereaux de dollars aux Viets pour les transformer en capitalistes bon teint.

A titre d'exemple, un projectile de 12,7 mm pèse 36 grammes, un de 20 mm pèse 88 grammes et un de 30 mm 210 grammes ( A peu près ).

Les avions équipés de 6 mitrailleuses de 12,7 balançaient 4,32 kg de ferraille dans l'azur par seconde.

Ceux équipés de 4 canons de 20 en envoyaient 7,04 kg/s.

Ceux munis de 2 canons de 30 en tiraient 8,4 kg/s.

Pour rendre le tir plus efficace on panachait les bandes de munition avec une traçante, une perforante, une explosive, une incendiaire et on recommençait. C'était le self-service à l'usage des copains d'en face.

Bien sûr, ce sont des poids moyens. Le poids réel dépend du type de cartouche et des matériaux utilisés pour les fabriquer.

Je me suis toujours demandé pourquoi l'US AIR FORCE avait, pendant aussi longtemps, continué à équiper ses chasseurs avec des 12,7 alors que tous les autres pays montaient des canons de 20 ou 30 mm. Il devait y avoir une sombre histoire de petits copains influents qui avaient des stocks de 12,7 à vendre.

Voilà pourquoi on a inventé les missiles. En principe ils sont nettement plus efficaces que les canons mais, on en aura la certitude le jour où on aura fait une vraie guerre, longue, pénible et meurtrière, en les utilisant contre des gars, en face, qui ne seront pas plus manchots que les notres. En temps de paix les armes marchent toujours à la perfection mais, en temps de guerre on a des surprises. Heureusement, qu'en face, ils sont dans le même cas.

Et même si le canon est moins efficace que le missile, il est beaucoup plus satisfaisant, pour le pilote, de descendre un ennemi parce qu'il est le meilleur, tant en pilotage qu'au tir, tout comme on devait avoir bien plus de plaisir, au Moyen-Age, à battre un adversaire valeureux à la hache d'arme ou à l'épée à deux mains ( On pouvait même lui faire grâce de la vie et s'en faire un ami ), qu'à lui tirer une flèche dans le dos, à 50 mètres, pendant qu'il avait le haut-de-chausse sur les talons, pour satisfaire un besoin pressant. D'accord, c'est plus efficace mais où est le plaisir.....

Le progrès, c'est très bien mais ça finit par rendre tout super chiant.

Bien sûr, des munitions genre cartouche de chasse avec une gerbe de 15 mètres de diamètre à 200 ou 300 mètres auraient été les bienvenues mais, ça ne s'est jamais fait.

Voici ce dont nous disposions en 1954 pour combattre dans les airs.

Je vous parlerai des techniques de bombardement de l'époque à la prochaine page.

GUNNERYF84 PLAN DU SITE GUNNERY33-1

Mon e-mail : pluhaut@aol.com