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DEFENSE AERIENNE DU TERRITOIRE

12° ESCADRE DE CHASSE

ESCADRON 2/12

ESCADRILLE DES PERROQUETS

ACCUEIL AU 2/12 ( FIN )

MON PREMIER VOL EN PATROUILLE SUR OURAGAN

MARCEL DASSAULT MD 450 OURAGAN

Après le petit déjeuner tous les pilotes de l'escadre, environ 80 personnes, vont assister au briefing MTO dans une grande salle meublée de confortables fauteuils, d'une estrade, d'un tableau noir et d'un pupitre.

C'est la première fois que je vois Jaco Leader qui me paraît avoir 2 têtes de plus que les autres et être large en proportion. Un super John WAYNE ( Marion MORRISSON de son vrai nom ) Français et Pilote de Chasse et, 47 ans après, je le garde comme tel dans ma mémoire !

Retour à l'escadron où le LT LEROY m'annonce que je vais faire le vol MTO avec le Vieux. Drôle d'idée ! Le MTO nous a annoncé un ciel de traîne avec un front froid secondaire, traduction : Beau ciel bleu avec cumulus humilis, dits " De beau temps ", et passage momentané d'une ligne de grains. Il suffit de lever la tête pour voir que c'est vrai, ce qui est assez surprenant car la devise des MTOs pourrait être " Ce que je vous décris est déjà passé et ce que je vous prédis est arrivé la semaine dernière. ".

Le vieux me fait un briefing détaillé sur un ton monocorde, qui se termine sur un " Pas de question ? " prononcé sur un ton qui signifie " On est prié de fermer sa grande gueule, sinon...................". Le truc pédagogique militaire par excellence !

J'ai noté les fréquences radio et les indicatifs, sur le dos de ma main, as usual. Ainsi, on ne risque pas de perdre les données.

Nous allons aux taxis.Après la mise en route, le vieux annonce " Robots Rouges, check. " et je réponds " Rouge 2 ". C'est OK, la VHF marche.

Il demande le roulage à la tour pour les deux avions et je le suis bien gentiment.

Point de manoeuvre, puis alignement sur la piste en patrouille serrée. Nous mettons plein gaz et j'attends son signal pour lâcher les freins.

Il les lâche sans me le signaler ce qui me fait prendre 2 ou 3 mètres de recul. Ca commence bien....................

Après le décollage, il rentre le train et tout le Saint-Frusquin, sans prévenir, ce qui ne me facilite pas le travail.

Dans la chasse, ên patrouille, nous utilisons des signaux visuels codés, qui s'effectuent avec la main et des mouvements de la tête ou de l'avion, car il faut garder le silence radio pour ne pas se faire détecter par l'ennemi.

Le temps est superbe, sauf pour la ligne de grains qui se trouvent à 15 km sur notre gauche, et je suis en train de me dire que ça doit être méchamment jouissif de passer dans ce genre de nuages quand, le Vieux vire à gauche et fonce sur un des grains.

C'est l'HORREUR ! J'ai l'impression de rentrer dans une caverne très sombre, ça tabasse un max ( Turbulences ) et la pluie ou la grêle fait un bruit assourdissant sur le taxi.

Je m'encastre dans le leader, " Le bidon entre les dents ", pour ne pas le perdre. L'OURAGAN ayant des réservoirs au bout des ailes, cette expression signifie que l'équipier se tient le plus près possible de son leader.

Je sue sang et eau pour ne pas le lâcher et je ne suis pas rassuré du tout car, si je le perds, il me faudra passer brutalement du vol à vue au vol aux instruments et je risque de perdre le contrôle de l'avion.

C'est la toute première fois de ma vie que je pénêtre dans un nuage, en patrouille, et, vraiment, je suis gâté..................

En vol aux instruments, le seul sens utilisable pour connaître la position de l'avion dans l'espace est la vue qui interprête les indications des instruments de vol. Les autres sens cafouillent lamentablement. Le toucher et l'oreille interne donnent des indications fausses. Tout votre corps peut hurler que vous voler sur le dos, par exemple, alors que les instruments disent le contraire, et il faut croire les instruments sous peine de se retrouver dans des positions pas vraies et de perdre le contrôle de l'avion.

Avec l'entraînement, notre cerveau apprends à filtrer les indications fausses pour ne garder que les bonnes, mais je ne suis qu'un jeune pilote sans beaucoup d'expérience.

Ce cirque dure 2 ou 3 minutes qui me paraîssent durer un quart d'heure, puis les nuages s'éclaircissent et nous nous retrouvons dans un beau ciel bleu et ensoleillé.

OUF ! Je commence à me congratuler de ne pas avoir perdu le Vieux quand il vire brutalement vers moi, sans prévenir, ce qui m'oblige à descendre fissa pour ne pas me faire encadrer et à réduire les gaz pour ne pas passer devant lui. Evidemment, j'y vais trop fort et je me retrouve 10 mètres derrière. J'ai bien du mal à reprendre ma place car, sur les 12 000 et quelques tours du réacteur il me laisse 200 tours de marge.

Ensuite il embraye sur une suite de manoeuvres assez brutales et j'en chie comme un Russe pour garder ma place. Toujours pas le moindre signal, de plus il ne me regarde pas. Je commence à croire qu'il essaye de me semer.

D'un autre côté, c'est un bon entraînement pour faire la guerre. Par contre, je me dis que, si je le perds et suis obligé de rentrer tout seul, je vais être la risée de tout l'escadron et la première impression, si elle est mauvaise, va me suivre pendant des années. C'est aussi une marque de confiance dans mes capacités car, à sa place, je craindrais de me faire empailler par le débutant que je suis.

Evidemment, au retour, il nous fait traverser, à nouveau le grain, juste au cas ou je me relâcherais un peu................. comme le dis le dicton militaire " T'as signé, c'est pour en chier ! ".

Nous nous présentons à l'atterro en patrouille serrée et, comme il ne se doit pas, il sort les AF, le train et les volets sans me prévenir. Démerde-toi et suis...........................

Au parking, j'éteins le réacteur et quand j'en ai terminé avec toutes les actions vitales que je revérifie au cas où, je descends de la Bête.

En me dirigeant vers l'escadron, je passe à côté du Vieux qui discute avec l'officier mécano. Quand j'arrive à sa hauteur, il tourne la tête et me lance, sur un ton très méprisant " Vous êtes encore là, vous ? ". La Vache ! Il voulait vraiment me semer.

je suis à un cheveu de lui sauter dessus, fort heureusement la discipline inculquée aux US me permet de garder mon sang-froid. Un Sergent qui cogne sur un Capitaine, ça fait négligé, c'est passible du tribunal militaire et, dans ce cas, adieu ma carrière de Pilote militaire.

Je me change en ruminant ma colère et mon indignation, puis je vais dans la " Salle pilotes " où, à ma grande surprise, tous les Pilotes sont là, à m'attendre, devant une table préparée pour un pôt destiné, je l'apprends, à fêter mon arrivée. Le Vieux fait même un discours sympa et tout le monde me fait de grands sourires et me donne de grandes claques dans le dos.

C'est à ce moment que je comprends que je me suis fait bizuter et qu'ayant victorieusement surmonté les épreuves je suis admis dans la famille.

Malgré tout, ce système me laisse une mauvaise impression. Nous ne partageons pas, eux et moi, les mêmes valeurs.

J'ai horreur qu'on abuse de sa force envers un plus faible et ça a été le cas de ce groupe envers moi.

A l'école communale et pendant mon apprentissage de plombier-couvreur, quand une bande me cherchait des crosses, je prenais le plus grand et je lui rentrais dedans à coups de pieds, de poings et de tête. Par contre je me contentais d'un coup de gueule aux plus petits que moi. J'ai donné et reçu de sérieuses raclées mais, même quand je perdais, j'avais infligé de tels dégats au vainqueur qu'il n'avait pas envie d'y revenir.

Je ne connaissais pas le bizutage car je n'avais été ni au Collège, ni au Lycée. Ce que c'est que de ne pas avoir fait des études.......................

A la réflexion, je comprends que le bizutage correspond aux cérémonies primitives de passage du jeune au statut de guerrier adulte.

Les gens s'assurent que le nouveau accepte les règles du groupe et garde son sang-froid dans les circonstances difficiles.

De plus, c'est censé assurer le pouvoir des anciens et des gradés sur les jeunes.

C'est logique, mais je préfère une bonne explication à mains nues. Bien sûr, dans l'armée on ne peut pas procéder ainsi car si je flanquais une raclée au chef, je deviendrais, d'office, le chef, à sa place même si je n'en avais pas les capacités.

En plus, le bizutage marche sur 98 % des gens qui sont heureux, après coup, d'être accepté par leurs bourreaux. Le syndrôme de STOCKOLM ? Par contre, les 2 % de solitaires dans mon genre, font semblant de jouer le jeu, mais ne feront jamais confiance à ceux qui les ont bizuté et de ce fait, ne se sentent pas lié au groupe, ni à ses valeurs.

Donc, globalement le bizutage est un moyen efficace d'intégration dans un groupe.

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